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Taxis et compagnie(s): la fausse analyse d'un vrai phénomène.

- Rares sont les analystes qui positionnent l'ubérisation à sa juste place.

- - Que vient faire l'histoire des taxis sur ce site davantage prédestiné à la vente des téléviseurs et des systèmes de son haute résolution ? A priori, rien à voir. A ceci près que tout le brouhaha auquel nous assistons pourrait bien être décrit comme étant de notre faute. A nous qui, depuis quelques années, œuvrons dans la diffusion de tout ce qui est numérique. Comme si la loi de Moore avait été écrite par DVSM ! L'occasion est donc trop belle pour que nous osions émettre quelques réserves et procéder à de menues remises au point.

Chacun pour soi !

Notons d'abord, -mais est-ce bien à nous de le faire ?- que dans une époque où l'on ne cesse de glorifier la solidarité, le dialogue et le vivre ensemble, chaque catégorie de professionnels contrariés défend ses positions seule, sans le soutien d'aucune autre. Les pilotes d'Air France ont-ils pris position pour les médecins dans leur attitude face au tiers payant ? Les agriculteurs ont-ils manifesté une considération hautement exprimée à propos des heures supplémentaires impayées des infirmières hospitalières ? Les chauffeurs de taxis ont- ils froncé les sourcils à la vue des suppressions d'emplois dans la presse écrite ? Et d'ailleurs, pourquoi parle-t-on tant de leur combat face aux VTC ? Parce que leur cause est juste ou plus simplement parce qu'ils bloquent le périphérique parisien et empoisonnent le quotidien collectif ? Conviction ou pouvoir de nuisance ?

Le numérique, Uber, VTC, galimatias médiatique !

Notons toutefois qu'à la racine des combats évoqués, se retrouve toujours un même déclencheur : le progrès, né des "ruptures technologiques", comme les appellent les stratèges du marketing. Le machinisme, les chemins de fer, l'électricité, l'automobile, l'aéronautique ont aussi apporté des acquis sensationnels et entraîné des conséquences positives pour les uns, des drames pour d'autres. Bilans positifs ou négatifs ? L'appréciation ne se mesure pas de la même façon selon les époques. Aujourd'hui, il ne viendrait à personne l'idée de contester ce que des innovations déjà anciennes ont apporté à tous. Mais quand elles se sont installées, à l'heure des transitions, il en allait tout autrement. Les professionnels de l'univers hippomobile comme les matelots sur les paquebots n'entendaient naturellement pas cette version enrichissante du progrès d'une oreille bienveillante, alors qu'ils perdaient leur emploi. Mais personne ne déplore plus aujourd'hui la carrière brisée des allumeurs de réverbères par l'irruption de la fée électricité.

Une mutation mal analysée.

Arrivons (enfin) aux taxis et à ce "phénomène de l'ubérisation". Cette formule à la mode décrit fort mal ce dont il s'agit et qui va nettement au-delà de la seule pirouette consistant pour certains à chiper le travail des autres, en se jouant des règlements. Il y a derrière chaque mutation des libérations par rapport à des passages auparavant obligés. Tout étant conditionné par cette faculté née du numérique qu'ont conquis les individus de pouvoir communiquer les uns avec les autres, sans plus guère de limite. La distance s'est effacée, le temps réel est devenu le standard, la distance de propagation d'un message va jusqu'à l'infini tout comme le nombre des "récepteurs" de toute communication. Ainsi, avant le numérique, les "plates-formes" ne pouvaient exister. Ni pour comparer des prix, ni pour réserver quoi que ce fut, ni pour demander si quelqu'un serait disponible pour aller de Paris à Moulins… L'ubérisation n'est que la fille naturelle d'une possibilité de se contacter les uns les autres. Dès lors, des besoins trouvent des réponses plus directes, plus rapides, plus économiques. Faut-il déplacer un lourd canapé ? Le déménageur, qui paraissait comme le marteau-pilon utilisé pour écraser une noisette, se voit remplacé par une bonne volonté compensée par une petite rétribution. Oui mais… Le "vrai" pro, qui avait des structures, des charges, du personnel, donc des coûts, n'en ressent qu'une sorte de coup de grâce. Néanmoins, il y avait depuis la nuit des temps des canapés un peu lourds à déplacer et… rien pour rendre ce service à son juste prix.

La numérisation communicante, ou la communication numérisée, comme chacun le veut, comble aussi des vides. En France, et plus particulièrement dans la capitale, le problème des taxis était largement connu. Horriblement chers et désespérément introuvables aux heures chaudes. Au point que ce sujet avait même fait l'objet de propositions (et d'une tentative de réforme avortée à cause des protestations) par Nicolas Sarkozy au début de son mandat (sur suggestion de Jacques Attali). Le problème, resté sans solution, était particulièrement propice au développement de solutions alternatives, VTC, Uber et compagnie… Le ver était dans le fruit.

N'oublions pas, dans ce domaine, la notion de juste prix. S'il est évident que personne ne souhaite voir son prochain plongé dans la misère, personne ne souhaite non plus payer pour un produit ou un service autre chose que ce que ceux-ci coûtent réellement. Les compagnies aériennes historiques en subissent les conséquences, affichant le spectacle d'une concurrence où les "historiques" aux prix forts perdent beaucoup d'argent face à des entreprises dites "low-cost" très compétitives et pourtant très bénéficiaires. Or, l'heure de vol sur des avions modernes est au même prix, quel que soient les logos peints sur les fuselages. Plus que de l'ubérisation, les chauffeurs de taxis classiques subissent les effets d'une structure professionnelle totalement archaïque (licences, numerus clausus…) dont ils croient qu'elle les protège alors qu'elle les pénalise, voire les met hors jeu.

Toutes les évolutions liées aux ordinateurs, aux smartphones, aux tablettes et aux usages novateurs qui en découlent n'ont pas fini de changer la vie. Elles vont aussi inéluctablement modifier profondément la manière d'organiser le travail. Peut-on conserver les principes du passé en utilisant les moyens du présent et du futur proche ? Dans l'histoire, en dépit des plus puissants mouvements revendicatifs, des protestations les plus véhémentes et même des violences les plus extrêmes, les effets des conquêtes techniques n'ont jamais été repoussés. Il en ira de même pour les fruits du numérique. Le seul risque étant qu'en les combattant outre mesure, les usages anciens comme les nouveaux et ceux qui les animent soient tous perdants. Au fait, quand Google (ou d'autres) auront mis au point les automobiles sans chauffeur, commandera-t-on encore un taxi, un VTC, ou seulement… une voiture ?

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