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Un rapport, un ministère qui souhaite réagir par d'étranges mesures... Le centre-ville est loin de pouvoir rebondir...! 

Il y a quelques jours, l'Inspection Générale des Finances et le CGEDD* remettaient à Martine Pinville, ** les résultats d'une mission sur la "revitalisation des centres-villes". Car ce commerce est à la dérive, ce que ne découvrent nullement les professionnels. Ce lent mais impitoyable naufrage a commencé il y a au moins 40 ans ! Plus un diagnostic est tardif, plus il risque d'être erroné et les remèdes mal adaptés. Nous sommes en plein dans cette situation.

Peut-être aurait-on bien fait, en "hauts lieux", de lire ou relire ce que nous avons souligné depuis des années, et même des décennies. Il y a plus de 20 ans, dans les colonnes de l'ancêtre de DVSM, (Vente Numérique et Multimédia***), l'auteur de ces lignes avait déjà suggéré une profonde défiscalisation pour le commerce de centre-ville, à l'image de ce qui était fait pour des zones industrielles ou d'activité, afin d'y développer l'emploi. A défaut de nos propres pages, bien d'autres médias, dont de nombreux titres de PQR, se sont émus en soulignant ce mal frappant surtout les villes moyennes. A titre d'exemple, nous avions évoqué un dossier paru dans le Journal du Centre à propos de Nevers (Nièvre)****, ville constituant un exemple type de cette décadence de la commercialité intra urbaine, avec la réunion de nombreux facteurs la favorisant.

Un demi-siècle de migration commerciale sans véritable réaction

Nous avons depuis maintes fois remis en exergue l'évolution très défavorable du centre des villes moyennes. Un souci qui est loin de se limiter aux pressions fiscales, et qui s'est amorcé dès les années 60. "A cause de la grande distribution ! " s'emporteront sans attendre ceux que les grandes surfaces indisposent. Bien trop simpliste, c'est une analyse fondamentalement erronée. Car dans les années 60, plusieurs évolutions ont été observées. La très forte croissance démographique a généré un mouvement bien connu baptisé "périurbanisation". En clair, de nombreux nouveaux ménages se sont créés (années 60 et 70), logique conséquence du baby-boom. Pour se loger, ils n'ont pas eu le choix : seules les périphéries de villes offraient la place nécessaire pour construire. C'est aussi dans ces périphéries que se sont installés de nouveaux commerces, pour des raisons de place et de coût, les surfaces constructibles étant bien moins onéreuses qu'au cœur des cités. Et par chance, ces lieux d'implantation étaient proches des nouvelles clientèles faites de nombreux jeunes ménages avec enfants : consommateurs et par nécessité rigoureux côté dépenses.

Progressivement, les zones périphériques sont devenues aussi très attractives, et dans une quantité de petites et moyennes métropoles provinciales, des établissements aux spécialités multiples se sont rapprochés des hypermarchés et grands supermarchés, locomotives du commerce alimentaire et généraliste : meuble, bricolage, vêtement, jardin, automobile, sport, chaussure, équipement de la maison… Le tout dans des lieux d'accès commode, avec stationnement gratuit, et autres opportunités complémentaires : restauration, cinémas, salles de sport.

Rues piétonnes, stationnement payant et lignes de tramways :

Il faut aussi tenir compte d'évolutions majeures dans notre société pour comprendre comment la périphérie a conquis les foules. A partir des années 60, et pour profiter des bienfaits de l'arrivée des "biens durables", et plus globalement d'une amélioration, non gratuite, des conditions de vie des ménages, de nombreuses femmes jadis au foyer se sont mises au travail. Financer l'automobile, le réfrigérateur, le téléviseur, le lave-linge, le chauffage central et… ce que coûtent les enfants ne leur ont pas laissé le choix. Travailler devenait indispensable. Les zones commerciales et leur grandes surfaces sont donc arrivées juste à point. Depuis, d'autres évolutions sociétales sont venues ajouter leur pesant d'influence, comme la multiplication des ménages monoparentaux. Les municipalités, croyant bien faire, avec des initiatives comme l'établissement du stationnement payant ou la conversion des grandes avenues commerçantes en voies piétonnes, créé les conditions d'une fracture encore plus marquée entre les nécessités des ménages. Comment imaginer une mère de famille qui n'a que son samedi (et peut-être le dimanche) pour faire ses approvisionnements de la semaine se trimbaler en portant à bout de bras quelques paquets de couches, deux packs d'eau minérale, quelques kilos de pommes de terre, etc., dans des avenues aussi agréablement aménagées soient-elles, tout en se dépêchant pour ne pas aggraver le coût de son parking ?

Globalement décrits comme des lieux de commerce de centre-ville, il faut intégrer à ces endroits où les magasins disparaissent des quartiers d'agglomérations plus importantes. Des secteurs où le coup de grâce peut tout simplement surgir de la frénésie de cette "tramwaymania"  qui déferle dans l'esprit des élus depuis quelques années. Le scénario maintes fois observé est aussi logique qu'impitoyable. Deux à trois années de travaux rendent très peu accessibles les commerces d'une avenue. Les chalands se dirigent alors vers les zones commerciales de périphérie, y construisent des habitudes et ne reviennent plus vers le centre quand les travaux sont achevés.

Le commerce a aussi ses propres responsabilités

La cohérence d'un commerce de centre-ville ne repose toutefois pas que sur des critères d'accessibilité. Il dépend aussi d'une réponse pertinente aux attentes des consommateurs. Laquelle peut être mise à mal si un ou plusieurs maillons de la chaîne que constitue une offre commerciale performante viennent à disparaître ou s'avèrent d'une qualité trop limitée. L'absence soudaine ou la médiocrité d'une boulangerie pâtisserie, d'une charcuterie traiteur ou d'une boucherie peut suffire à inciter des chalands à aller vers des sites mieux pourvus. L'amplitude horaire trop réduite est également un facteur défavorable au trafic de clientèle. Un seul maillon peut suffire à entraîner cette désertification. Une pharmacie qui baisse son rideau de fer à 19 H 00 "pétantes" joue le rôle d'un couperet sans appel, si une croix verte reste active jusqu'à 20 H 00 ou 21 H 00 dans un centre commercial périphérique.

Le commerce de centre-ville a besoin d'une harmonisation comparable à celle que les managers de galeries marchandes s'appliquent à organiser d'une manière constante. Il peut aussi profiter de l'attractivité de "locomotives", capables de générer du trafic. D'où cet étonnement face à une mesure supposée servir ce centre-ville, qui consisterait à limiter l'installation de points de vente de plus de 1.000 mètres carrés. Le remède pire que le mal…!  

*Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable.

** Martine Pinville, secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

*** Titre du magazine de 1979 à 2000, devenant DVSM (Distribution, Ventes & Services Magazine) à l'orée du nouveau siècle.

****Ville du centre, et qui n'est en rien Bourguignonne, comme le laissent supposer d'aventureuses délimitations administratives imaginées par des fonctionnaires ignorant sans doute que la géographie existe encore.  

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Tag(s) : #L'info en temps réel, #- TOUT LE COMMERCE
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