Sous leurs toits en chaume, les petits restaurants jadis ouverts "presque" tout le temps vacillent. La faute au Covid...? Ou plutôt à une erreur consistant à perdre de vue des évidences attractives...?
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- DVSM, 19 juin 2023. L'essentiel pour une enseigne, même de restauration, n'est pas d'être la moins chère, ni la plus connue, mais d'avoir des clients. Ajoutons qu'une enseigne est vivante quand elle est... ouverte. Depuis peu, l'aventure devenait mésaventure pour l'enseigne Courte-Paille (qui vient d'être reprise par le Groupe La Boucherie, selon le Figaro, avec 1500 emplois supprimés) en est une illustration largement évoquée. Et le plus souvent plutôt bien analysée. Enfin presque. À ceci près que, à lire et relire certaines chroniques, tout s'articule un peu trop autour de la récente pandémie et de ses contraintes dans le destin brisé de cette chaîne de restauration, comme tout un domaine plongé dans une quasi impossibilité de travailler. Si, selon des analystes peu portés sur... l'analyse franche et clairvoyante, la phase Covid s'est indéniablement concrétisée en un quasi coup de grâce, des indices démontraient bien avant cette épreuve pandémique les effets d'une déjà lente mais dangereuse évolution à hauts risques.
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Hormis toutes les littératures, le principe fondamental de l'enseigne Courte Paille reposait sur le... non recours à toute cuisine. Presque une boutade, presque un pari comme ceux évoqués en fin d'un dîner copieux, détendu, un peu flottant*. Un "resto" sans cuisine, c'est comme une compagnie aérienne qui renoncerait à faire travailler des pilotes, ou si la direction du Tour de France optait pour le retrait des bicyclettes sur son parcours. Sauf que sans cuisine proprement dite, Courte-Paille était devenue un vrai concept. De l'idée, surgissaient de nombreuses conséquences positives. Sans une cuisine et ses horaires, la possibilité de servir à toute heure devenait une aubaine, surtout à une époque où l'automobile gagnait chaque jour des points en taux d'équipement et habitudes d'utilisation. Dans une amplitude horaire allant jadis de 11 à 24 heures, c'était une seconde belle aubaine pour tous ceux qui roulent, en particulier dans le cadre de leur travail. Restés coincés chez un client ou sur un lieu d'intervention, commerciaux, agents techniques et autres peuvent enfin passer à table dès que possible, même si c'est à 15h45, 17h22, ce qui est totalement impossible ailleurs. Pas de cuisine impose une carte très limitée, avec des grillades parfaitement prises en charge par les effectifs du service (personnel de salle). Et pour attendre que le pavé de rumsteak ou l'andouillette soient au niveau de cuisson voulu, une petite salade dite d'accueil permet au convive de patienter, avec ce qui devient pour lui un cadeau de bienvenue. Rançon de cette carte très courte, les produits, dont la viande, doivent être au top du top de la qualité. Ce qui, face à un ou des fournisseurs, n'est pas un impératif insurmontable. Avec près de 300 établissements, qui oserait livrer des "bidoches" médiocres à un tel client...?
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Ainsi allait la vie, sous un soleil radieux. Mais l'automobile, qui poursuit son développement, commence dès les années 70, à rebattre un peu les cartes. Le réseau d'autoroutes se construit petit à petit, et avec lui, les grandes aires où essence, toilettes, souvenirs et de quoi boire ou manger sur le pouce n'imposent pas de retourner vers les bonnes vieilles nationales. Et voilà que, dans l'effervescence économique pétillante des années 1980, les frères Picart (et surtout Christian), qui se sont inspirés de l'exemple de l'enseigne américaine House of Pancakes (la "Maison des crêpes" avec ses bâtiments fort reconnaissables**) pour caler le look de leurs établissements. Et sitôt lancés, ceux-ci vont connaître un succès vertigineux, au point de faire de l'entreprise dans les années 90 la plus forte et rapide montée en bourse de l'époque. Plus grands, avec une carte plus développée, l'influence de ce concurrent du créneau grillade à sans doute donné des envies à "CP" de prendre de l'envergure pour répondre à cet intrusion adverse. D'autant que, justement, chez... Envergure, autre groupe hôtelier (Campanile...), l'idée de placer des "Côte à Côte" pas loin des hôtels du groupe s'est concrétisée. Les cartes sont rebattues, mais au prix d'agrandissements, Courte-Paille tient bon. Hélas, les toits de chaumes reçoivent une tuile, avec l'idée folle des 35 heures. Avec une heure de moins pour s'adapter, la fermeture est alors à 23:00, ce qui jette dehors les clients qui, dans de nombreux points, sortaient des cinémas. Selon nos constatations, certains affiliés ou franchisés, sans doute convaincus par ce que leur avait dit un tableur, ont converti au salaire fixe des serveurs qui appréciaient les "15%" de service. A quoi bon proposer "un p'tit dessert", si celui-ci ne rapporte plus rien...? Et cerise sur le gâteau, après avoir un peu trop tout compliqué, on ferme vers 15h00. A partir de ce point, que certains gestionnaires qui ne comprennent rien au film du commerce considèreront comme un détail, Courte-Paille n'est plus, loin s'en faut, Courte-Paille. Ajoutez des viandes qui ont cessé d'être parfaites, plus de petite salade dans les dernières reconversions, plus de raison d'aller dans cette enseigne, surtout s'il est déjà 14h53, et que des McDo sont ouverts partout, à toute heure...
* Une légende soutiendrait que l'idée de cette formule serait née lors d'un dîner entre quelques amis restaurateurs de renom, dont le patron du restaurant Greuze à Tournus, fondateur de Courte-Paille, l'un d'eux ayant avancé la boutade du genre approximatif, "On devrait créer un restaurant sans cuisine, qu'est-ce qu'on serait tranquille", ce genre d'audace vocale généralement d'un "Chiche" dont on ne se rappelle plus l'auteur. Mais c'est une légende... L'enseigne fut après sa création reprise par le Groupe hôtelier Accor (qui n'était encore que le Groupe Novotel).
** L'exemple servira à d'autres, dont "Chez Léon", alors que la toiture est souvent choisie comme une arme de reconnaissance à distance par les enseignes de restauration.
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