Darty : fin de parcours… quand même !

L'enseigne devrait subsister, mais une page est tournée. Fin d'une… vocation contrariée ?

Qu'on le veuille ou non, la prise de contrôle de Darty par le groupe FNAC concrétise bel et bien l'épilogue de l'aventure démarrée dans les années 50 par les frères Darty, Natan, Marcel et Bernard. En 1957, ils renoncent à établir un commerce de textile, faute de pouvoir changer la destination du bail du magasin qu'ils ont acquis à deux pas de la Porte de Montreuil, à Paris, et dédié à l'électroménager. Toute l'histoire est résumée dans un "film" que l'enseigne propose et que vous pouvez découvrir ou redécouvrir ici.

Curieusement, ce choix forcé n'a peut-être pas été "digéré" par les créateurs de cette enseigne qui s'est d'ailleurs présentée à la clientèle sous les noms Real-Darty, puis Darty-Real, pour devenir Darty tout court. Devenue numéro un en France de son secteur, cette entreprise n'a pourtant pas connu que des succès. Des incursions dans le domaine du meuble et du sport, avec Sparty (Le sport à la Darty…) se sont achevées en ce que l'on désigne d'une manière très familière par "jus de boudin" (pardon pour cette facilité de langage qui nous évite d'entrer dans une trop longue et aride tirade juridique). Ce que nous avait à plusieurs reprises confié Serge Amiard, Président du Directoire avant qu'Hervé Skornik lui succède en 2008, reste étonnant. Bernard Darty (dont les frères sont aujourd'hui décédés), qui soufflera 81 bougies le 12 décembre prochain depuis sa résidence proche-Bruxelloise, aurait exprimé ses regrets d'avoir dû travailler sur ce marché brun-blanc, bien moins intéressant et profitable selon lui que le textile.

L'entrée dans le giron du groupe FNAC, qui devrait se finaliser tout prochainement, tire un trait sur ces 58 années d'une aventure tout de même extraordinaire, qui a soulevé durant des décennies l'admiration des professionnels bien au-delà de notre territoire. Il y avait toutefois bien des nuages qui s'étaient amoncelés dans le ciel de cette GSS. DVSM avait posé la question il n'y a que quelques saisons : "Où va Darty ?" et énuméré quelques points qui nous semblaient préoccupants : image vieillissante (que Régis Schultz, DG de l'enseigne depuis le printemps 2013, a immédiatement entrepris de rajeunir), taille des magasins *, tenue des rayons… Jugée sévère par certains observateurs, notre analyse faisait sans doute preuve d'une certaine pertinence.

*La taille des points de vente, dans tous les domaines du commerce, conditionne la largeur de l'offre. Insuffisante, elle contraint les enseignes généralistes dans leur domaine à une stratégie axée sur les produits qui réalisent les volumes les plus importants, mais qui sont hélas aussi les plus bataillés en prix, et donc en profitabilité. Les équipements de milieu et haut de gamme sont exclus (c'est le cas dans la plupart des implantations Darty) ce qui élimine du mix-clientèle la fraction la plus aisée des consommateurs. Des spécialistes reconnus et méthodiques démontrent en outre que la taille plutôt réduite des points de vente limite aussi la zone de chalandise adressée, en la concentrant vers les quartiers les plus populaires. Et nous n'évoquons pas ici les autres incidences sur le profil des forces de vente, le rapport effectifs/encadrement, sur la logistique, etc.