
Ne nous moquons pas des prévisionnistes. Eux-mêmes auraient risqué la risée s'ils avaient osé prédire cette étrange évolution.
- DVSM, 23 février 2020. En musique comme en vidéo, le support physique vit ce qui pourrait être sa lente mais bien réelle agonie. Rien d'étonnant, puisque désormais, on ne stocke plus ce que l'on sait pouvoir retrouver à tout moment. Doucement, l'esprit de possession s'estompe. Collectionner devient un verbe de l'antiquité. Pour l'heure, un bastion solide subsiste encore assez bien face à la dématérialisation, ce qui est un paradoxe. Le livre, pour l'heure, ne fait pas mine de disparaître. Pour combien de temps...? En revanche, il n'en est pas de même à propos de ce que l'on pourrait désigner par "la chose imprimée". La presse écrite, est d'ores et déjà gravement atteinte par ce qui circule sur le net. Dans tout cela, aucune tendance opposée à la douce et inéluctable conquête de l'univers des datas. Seulement des rythmes, pour une trajectoire dans un seul sens. Pourquoi le paradoxe dans l'écrit...? Parce qu'à numériser, c'est le texte qui est le plus simple des contenus, et q'il prend le moins de place "numérique", bien peu par rapport à la musique, une misère comparé à la vidéo, surtout depuis que celle-ci se pare des arguments de la très haute définition.
En revanche, voilà une véritable exception bien plus inattendue. On l'a crue un moment feu de paille. Erreur. Alors qu'il était mort et enterré, le disque microsillon renaît. Pour les habitués de nos pages et écrans, ce n'est pas un scoop. Maintes fois évoqué, le retour à l'avant-scène de l'enregistrement analogique était hors de toute hypothèse chez les analystes. Aujourd'hui, les chiffres grimpent, un peu comme ce contre-poids que l'on voyait passer fugitivement depuis l'ascenseur, quand celui-ci était transparent. Et pour le vinyle, les explications sont plus complexes à établir. Opposée à ce que certains estiment être le "sens de l'histoire", sa renaissance est justifiée, selon quelques amateurs chevronnés, à une restitution plus limpide et plus flatteuse, plus vraie en somme, que celles des meilleures reproductions numériques. Mais n'y aurait-il pas dans cette évolution un peu de ce que l'on rencontre dans les consommations de bio, de produits ostensiblement naturels, qui vont jusqu'à des préférences manifestées pour des pommes ou tomates aux allures moyennes, un peu tordues ou boursouflées... Ce alors que des citadins vivant dans leur époque s'évadent vers des campagnes isolées pour élever des chèvres ou cultiver des topinambours. Le vinyle serait-il le rutabaga de la musique enregistrée...? Faut-il voir dans ce phénomène un certain refus de ces choses si rigoureusement calibrées par l'industrie qu'elles en perdent leurs attraits du premier degré...? Pourquoi des vinyles...? "Parce que c'est meilleur...". "Il n'y a qu'à écouter". "Vous n'entendez pas...?" Plusieurs très experts du marketing sont, sur ces propos, partis prendre une grande bouffée d'air frais. Et si les clients se contentaient soudain de produits et équipements simples...?

