UN CERTAIN 10 MAI 1981, les deux France (au moins) d'une élection majeure d'il y a 40 ans.

Quarante années nous séparent d'une époque où la révolution électronique n'avait encore montré que de faibles signes de sa proche inéluctabilité.

- DVSM, 10 mai 2021. Il y a 40 ans, à 20h00 pile, pas un français ne croit qu'une minute plus tard, tout sera encore comme avant. Inutile de rappeler ici l'effet de bascule subi sur le plan politique, mi-bourrasque, mi-aboutissement. Pourtant, rien que dans la définition d'image d'un niveau caricatural, le visage du nouvel élu qui se dévoile doucement à l'écran fait à lui seul deviner que, techniquement, le changement, c'était (déjà) maintenant. Vu d'un regard postérieur de 20 ans à l'an 2000, cette époque, que chaque Français vivait comme ultra-moderne, semble pourtant presque préhistorique. 

La télé de ce soir du 10 mai 1981 ne compte que 3 chaînes, dont la colorisation n'est pas partout achevée. D’État, elle obéit au pouvoir, même si les boulons se sont légèrement desserrés. Côté radio, ce n'est guère plus riche. Europe 1, RTL (en modulation d'amplitude) et France Inter (qui occupe sa voie FM le samedi soir pour le football) constituent la facette audio du PAF. N'oublions ni France Musique, en FM Stéréo, ni France Culture, et pas davantage quelques périphériques à vocation et couverture régionales (RMC, Sud-Radio…). C'est comme une sorte de longue continuité de l'après-guerre qui sert de décor, seulement bousculée par des moments graves, événements d'Algérie, mai 68…, et des progrès modérés, comme la TV couleur. En téléphonie, au mot "avant", l'adjectif "archaïque" serait une alternative plus juste. Mais cet "avant" a pourtant déjà mis un doigt dans l'avenir. Du Japon, est venu le Walkman, suivi de ses innombrables imitations. L'ordinateur pour le public a également fait son apparition. Apple, Commodore, Sinclair... l'affaire est en marche. Et surtout, un nouveau venu sème une jolie pagaille. Le magnétoscope a vite conquis un public qui peste de n'avoir que bien peu de choses à voir le soir à la télé. Mais cet enregistreur d'images ne secoue pas que l'audiovisuel. Il provoque aussi un syndrome quasi maladif au plus haut niveau de l'Etat. Ne vient-il pas appuyer là où ça fait mal, dans une balance du commerce extérieur qui penche du mauvais côté. (Les importations d'origine japonaises ne dépassent à ce moment pourtant que de 1% celles venues d'Italie).

Le profil d'un coupable se précise. Passe encore que le Japon nous envahisse avec ses baladeurs, ou récolte les meilleures parts du marché d'une haute-fidélité en pleine effervescence depuis une dizaine d'années. Mais avec cet équipement symbolique, qui catalyse l'ouverture d'une galaxie de vidéoclubs (on en comptera bientôt plus de 4000 sur le territoire), et a sans plus attendre provoqué l'ire des professionnels du cinéma, la coupe est pleine. Certes, il y a encore un peu d'industrie d'électronique grand public en France. Thomson fabrique des téléviseurs à Angers, Océanic à Chartres, Philips à Rambouillet, Grundig à Creutzwald, Pathé Cinéma en banlieue parisienne… Mais quand même, le sens d'un futur inéluctable se dessine, et les envies de protectionnisme se font jour. Nous savons, quatre décennies plus tard, que rien n'y fera. D'autant plus que le nouveau pouvoir en place optera pour des stratégies fort discutables, l'emmenant dans une ornière en moins de quatre ans. A l'heure présente, la Chine a pris la place de redoutable adversaire, chassant la Corée du sud, à un moment remplaçante d'un Japon retombé dans un profil qui ne fait plus peur. Mais pour ceux qui (comme l'auteur de ces lignes*) ont vécu cette lointaine époque, comment ne pas entendre une fois encore des commentaires qui sentent une naphtaline vieillissante... Notre industrie a disparu... Il faut protéger les frontières... Tentons de créer des filières concurrentes, comme on a tenté vainement de fabriquer des magnétoscopes. 

* Déjà aux commandes de Vente, la version d'hier de DVSM... Il reste que depuis cette lointaine élection, les évolutions futures furent, même par des spécialistes, jugées peu probables. Il faudra y revenir -YD 

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