Le début de la fin -pas tout à fait totale- de l’ère analogique a eu lieu il y a pile 40 ans. Déjà bien installée depuis quelques années, cette technique était devenue concrète dans une électronique particulièrement effervescente.
- DVSM, 28 novembre 2022. Avenue Montaigne à Paris, fin novembre 1982. Ne tournons pas autour des formules. Philips a discrètement, presque sournoisement, préparé une petite impolitesse envers un Japonais qui fait déjà un peu tout ce ce dont rêvent tant de gens. Dans un terrain momentanément inoccupé jouxtant le siège français de la puissante néerlandaise, à deux pas des Champs Elysées, un espace de démonstration a été édifié. Et le public y est invité pour découvrir une, ou plutôt "la" révolution du son. Regarder, toucher et surtout, entendre. Selon des accords en principe bien ficelés, Philips et Sony avaient pourtant décidé de lancer conjointement le disque compact dès le printemps de l'an de grâce1983. Mais… mais… mais…! On n’y est pas…! Non. Toutefois, au Japon, ce même CD a déjà été lancé, dès l’automne en cours. N’insistons donc pas, laissons plutôt cette vieille amorce de querelle (qui se poursuivra entre les deux monuments de l'industrie sur bien d’autres registres) là où elle est, dans le brouillard des anecdotes du passé. Ce faisant, par cette initiative, le groupe de l’autre pays du fromage concrétise l’entrée dans une nouvelle époque techniquement prometteuse mais encore fort balbutiante.
Le CD n'arrive pas seul dans la déferlante technique de cette époque. Le Walkman, encore une idée de Sony, et ses frères ennemis baladeurs, et le magnétoscope font saliver les défricheurs de nouveautés. Tandis que, entre mélomanes et audiophiles, la haute-fidélité bat encore des records côté sorties de caisses. L'ordinateur pour tous est aussi en train de faire ses premiers pas. Pendant que l'on y est, pourquoi rester à la maison.? La stéréophonie et la modulation de fréquence s'installent sur les tableaux de bord des automobiles où, limitations de vitesses aidant, surgit une mode assez fugitive de la CB (dites bien "ci-bi"), l'émetteur-récepteur qui permet aux conducteurs de savoir qu'une "boîte à images" les guette à courte distance. Dans les rayons d'une distribution qui, de son côté, poursuit sa métamorphose en grandes surfaces et sous influence de périurbanisation, les baby-boomers et les enfants des baby-boomers battent la cadence d'une croissance charpentée.
Comme le confirme une évidente nécessité industrielle d’unir des compétences complémentaires, Sony et Philips ont développé ce disque compact dont ils sont et seront, pour toujours, les co- inventeurs. Donc détenteurs des droits qu’une flopée de brevets protège. Convertir des sons en "mots" numériques, puis les reconvertir à l’envers, matérialiser le tout dans des trous microscopiques sur un disque en plastique, à détecter pour la lecture avec un tout petit rayon laser, y’avait qu’à… Restons toutefois dans le seuil qui a été franchi en cette fin 1982. A ce moment, si les ordinateurs se nourrissent déjà au mode digital, les voir se propager pour tout le monde, à l'image et à bien d'autres usage est encore largement du domaine des early adopters et pour le reste de la science-fiction. Nous connaissons la suite de cette aventure. Rares sont les univers dans lesquels la rupture technique aura été aussi bouleversante, et aussi influente sur la vie de tous. Voilà qui méritait bien un petit coup d'œil dans notre rétro.
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