DESIGN : la photo reste dans le rétro. Le noir dessin qui perdure est-il bien vendeur...?

Comme un réflexe. On le sait, l'industrie de la photo n'est allée vers les solutions électroniques qu'à petits pas, presque à reculons. Par peur de bousculer les anciens adeptes ? Voilà qui n'a pas empêché les ventes d'APN de sombrer face aux smartphones.

- DVSM, 14 octobre 2022. On les croirait frères jumeaux. Rien ne ressemble plus à un ancien appareil photo qu'un APN d'aujourd'hui. Osons cette formule (clin d'oeil à l'attention des adeptes des transmissions filaires) : le contre-courant n'est pas forcément porteur. Pourtant, 61% des personnes interrogées dans l'enquête AFNUM-Salon de la Photo (Sociovision) portant sur les pratique photo, affirment aimer les appareils ayant une allure rétro, proportion qui atteint même 74% chez les 25-29 ans. Voilà qui tombe bien, car à contempler les catalogues, les escapades hors des sentiers de ce profil hérité des années lointaines, l'offre est infinitésimale, voire moins que cela. Depuis que la photographie a quitté l'antre du chimiste pour élire domicile au royaume des données numériques, que de transitions.! A l'évidence, l'industrie, qu'elle soit du camp historiquement photographique (Canon, Nikon, Fuji, Pentax etc.) ou du génétiquement électronique (Sony, Panasonic...), a choisi d'offrir aux habitués le seul lien familier capable d'en éviter l'exil, la forme. En fait d'offre, cela ressemble plus à un refuge, ultime réflexe pour ne pas perdre une clientèle acquise ou ce qu'il en reste, en principe. Longuement élaborée selon une logique ergonomique (la prise en main) associée à une contrainte matérielle (deux bobines et un film allant de l'une à l'autre avec pause -et pose- dans l'axe de l'objectif), la forme avait pourtant subi des évolutions majeures, avant d'aboutir à la géométrie du reflex. Laquelle est maintenue, non seulement dans les grandes lignes, mais aussi sous la livrée noire aussi immuable que la sombre silhouette de l'employé des pompes funèbres. La mort dans l'âme, sans doute, les designers par ailleurs si prompts à prendre le sillage de toute pré-tendance naissante, sont repoussés dans leurs retranchements créatifs par les éminences du marketing. D'autant plus que dans un marché qui a, globalement, vu fondre ses ventes aussi vite que le sorbet pistache en plein soleil caniculaire, la place pour l'aventure n'est désormais reléguée qu'au plus effacé des strapontins. Et pourtant...

"Ah ! Ce qu'il est chouette, celui-là !" est l'exclamation (telle ou en formulations équivalentes) que DVSM avait entendu, lors d'une méthodique observation incluant l'écoute de ce qu'exprimaient des chalands dans de nombreux rayons et linéaires "photo". Cela se passait il y a quelques années, dans les semaines précédant la période des fêtes, et alors que les APN compacts étaient en plein boom, pas encore menacés par un téléphone mobile intelligent (pourtant déjà en embuscade). Dans l'achat d'un produit technique, frigo, aspirateur, automobile, tondeuse à gazon, perceuse, téléviseur, appareil photo, l'aspect est depuis la nuit des temps un critère de choix essentiel. Peu rationnel sans doute, empirique à l'évidence, allant à l'encontre de paramètres objectifs de première importance, ce point est malgré tout déterminant dans les ventes. Mieux ("pire" diront certains aigris par tout comportement commercial), c'est même un outil très utile dans la gestion des flux vendeurs. Les styles de vie, les modes, les tendances font partie de la vie. Le look exprime bien des choses, et il est même capable de faire vieillir des apparences, de les faire percevoir comme les signes d'une appartenance à un certain passé (qui se retrouve dans le sens positif dans l'ancien ou le néo-rétro). Ainsi, le blocage certainement psychologique de cette industrie sur une allure conceptuelle devient une sorte de paralysie, un blocage ressemblant à celui du cheval refusant l'obstacle. La photo n'en est pas le seul domaine ainsi affecté. La compétition étant devenue planétaire et sans pitié, les industriels préfèrent se replier sur des segments identifiés, dans lesquels ils cherchent à atteindre des parts les meilleures possible. Toutefois, de cette attitude en forme de repli, naît une uniformité qui émousse les motivations de la clientèle. L'automobile en est un exemple criant. Après avoir proposé des choix très diversifiés dans un passé qui s'éloigne, tout le monde se concentre sur le SUV. Et en photo, sur ce qui ressemble à un reflex sans âge. Déprimant, non...? 

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