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Si l'institution qu'est La Poste ne disparaît pas du paysage, sa suppression du "timbre rouge" ressemble un peu à un abandon en rase campagne. La faute, bien entendu, au numérique, au Net, aux smartphones. Bonne et mauvaise nouvelles à la clé, la manœuvre n'occulte pourtant rien d'une longue dérive.
 

- DVSM, 5 août 2022. L'actualité est saisonnière, capricieuse et insolite. Comme il y a les faits divers (ou d'hiver), il y a aussi les faits d'été. Différence.: ceux de la saison chaude sont souvent l'objet d'une relative discrétion. Divers ou pas, les faits sont têtus. La preuve. Qu'est-ce désormais que "le courrier", dépouillé de sa version rapide...? Le "timbre rouge" n'était pas que l'outil autocollant d'un "produit" de cet acteur postal, repéré par la désignation de "lettre prioritaire". Soit, en général, un affranchissement permettant à une missive d'arriver à son but en J+1, autrement dit, le lendemain de sa mise en boîte (aux lettres). Certes, ce concept avait pris des contours plutôt élastiques au fil des ans. Sans trop le crier sur les toits, ce J+1 semblait être progressivement compris plutôt comme du J+1+1, et encore... A condition que rien ne vienne s'opposer mécaniquement à ce prompt trajet vers le destinataire. Certains approuveront peut-être la formule osée ici : sans son fer de lance que fut historiquement l'acheminement rapide, La Poste n'est plus tout à fait La Poste. (Même, peut-être juridiquement, on y revient). Cet événement estival, qui tourne la page sur des siècles d'une pratique bien pratique, n'est pourtant que l'épilogue d'une longue, discrète et astucieuse dérive initialement tarifaire.

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Certains parmi les moins jeunes ont en mémoire son point de départ, dans les années 1970. Présenté comme la création d'un courrier à double  choix, l'un rapide et plus cher, et l'autre, "normal", moins garanti en rapidité, ce changement fut suivi du passage du "tarif rapide" au statut de tarif "normal", le moins cher acceptant l'adjectif "lent". Jeux de mots..., 40 ans avant le premier smartphone. Une ficelle mal dissimulée à une époque où l'inflation, vieux souvenir, avait imposé (gouvernement de Raymond Barre) un blocage des prix avec contrôles. La manœuvre fut si bien réussie qu'elle fut répétée à plusieurs reprises. Parallèlement, sans supprimer le J+1, la noble (mais de moins en moins, question de comportement) administration en a doucement organisé l'impossibilité (pour la clientèle). L'une des armes fut l'avancement de l'heure de la dernière levée. Les "pas trop jeunes" déjà évoqués ont vécu l'ère des dernières levées à 20H00 (!), puis 18H00... Et doucement, les secrétaires, les facturières, et quelques autres corps de métiers ont d'abord dû mettre le turbo dans leurs machines à écrire. Car pour répondre "par retour" à des clients ou des interlocuteurs, le timing est devenu de plus en plus impossible. 16H00, 15H00, 12H00, avant d'arriver au summum des dernières levées à 9H00 du matin. "Foutage de g..." absolu commenteront même les moins polis, qui ne sont pas pour autant les moins clairvoyants.

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Si les dirigeants de l'établissement en viennent aujourd'hui à expliquer que le "rouge" s'efface du fait de la montée en puissance d'Internet, de l'e-Mail et autres numériqueries, on ne peut pas les taxer de mensonge. Auront-ils cependant l'honnêteté de reconnaître que ce mouvement aura été largement encouragé par cette longue dégringolade organisée avec patience...? Dans un monde parfait, ou presque, on aurait pu s'attendre à l'inverse, autrement dit à la généralisation et au maintient, coûte que coûte, d'un J+1 pour tout pli, où qu'il aille. Imaginons une administration des chemins de fer ne conservant plus que ses omnibus...! La Poste, défaite de la plus noble de ses missions, n'a plus que le timbre vert, les colis du e-commerce et la distribution des pubs "boîtes au lettres" et quelques spécificités pour ne pas se dissoudre. Car l'activité bancaire, ce n'est pas une activité postale, pas plus que le repérage des nids de poules sur les routes de campagne. La mauvaise nouvelle est donc connue : envoyer un courrier, vrai de vrai, et rapide n'est plus possible (non compensée avec la procédure alambiquée consistant à envoyer un presque e-mail que La Poste met sous enveloppe et glisse dans la boîte au lettre du destinataire.) La bonne nouvelle (aux contours juridiques méritant examen) est que compte tenu des circonstances, le monopole sur le courrier rapide n'étant plus assumé, il pourrait s'ouvrir à une concurrence. Mais n'est-il pas déjà bien tard...?

    

-- DVSM, c'est quoi...? --

Tag(s) : #- ESTIVALES, #- INSOLITE...
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