Accusation...? Non. Seulement un constat. L'apparition des radios libres fut le premier pas vers un morcellement dont les conséquences se mesurent, mais étaient inévitables, effet décuplé à l'heure du numérique connecté.
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- DVSM, 20 juin 2022. Avant, il n'y avait rien. Ou si peu. Au confluent entre les années 70 et 80, l'Hexagone vivait encore dans un monolithisme radiophonique confondant. D'une part, deux stations périphériques "tolérées" mais surveillées (Europe-1 et RTL) et quelques émetteurs aux portées un peu plus restreintes (Sud-Radio, Radio Monte-Carlo).; et d'autre part, trois canaux d'Etat, France-Inter, France-Culture et France-Musique. C'était tout. Curieusement, cette indigence des ondes sous tutelle gouvernementale eut aussi pour conséquence de souder la nation. Un vivre ensemble du transistor et de l'autoradio non voulu mais vécu assez sereinement. Assez parce que malgré cela, la génération baby-boomante l'entendait déjà d'une autre oreille. Ayant eu vent, ou même entendu, voire vécu lors de leurs séjours linguistiques les initiatives britanniques des "pirates" comme Caroline et Big-L (sur bateaux mouillant hors eaux territoriales) une vague démographique sommeille sans se satisfaire totalement de cette situation.
En 1981, une nouvelle majorité présidentielle amène un changement radical dans cette radio. Sont en effet lancées les radios FM, qualifiées de "libres" car elles doivent dans un premier temps être issues (en particulier pour leurs ressources) d’un univers associatif. Ces premiers temps sont difficiles. Ça se bouscule, ça se brouille, ça s'autorise, ça s'interdit... Mais le pli est pris. Doucement, les chaînes s’orientent vers les publics auxquels elles s’adressent, à l'exclusion de tous les autres. Doucement, la logique économique et le financement par ressources publicitaires s’imposent. Les auditoires deviennent des cibles. Chacun connaît la suite. Non seulement "les" radios ont une spécificité de contenus.: musique, actualité, informations routières, programmes, mais ajoutent aussi des "positionnements", jeunes, moins jeunes, visant des CSP bien délimitées. C’en est définitivement terminé d’une France d’avant qui, à l’unisson, écoutait les tubes de Sardou, Polnareff, Hallyday, Stone et Charden, vivait au rythme des mêmes événements. A partir de cette transition, les adultes n’écoutent pas les radios jeunes et les jeunes n'écoutent pas celles visant des publics plus âgés. C'est une atomisation des auditoires, fontaine de Jouvence et poule aux œufs d'or pour les compilateurs d'audiences. Ce qui est une vision schématisée à l’extrême mais va se répéter pour la TV avec la TNT, et toucher à l'infini avec tout ce qui se côtoie sur la toile, ses réseaux sociaux, ses plateformes audio ou vidéo, etc. Notez que cette métamorphose n'a pas pour cause déterminante des choix techniques, mais l'attitude du public face à ce qui lui est accessible. La multiplication des chaînes de TV s'est propagée d'abord via le satellite, puis avec la TNT, et est désormais très liée à l'ADSL, lequel ramène d'ailleurs, via ces téléviseurs "intelligents" qui prennent le pouvoir, l'atomisation évoquée vers l'écran du salon, lui même en bataille avec les autres écrans. Qui, chez les seniors, connaissent bien les succès qui ont inondé les TV musicales ces derniers mois, les tubes de The Weeknd, de Pink, de Clara Luciani...?