TV ET CAMPAGNES : le petit écran n'aurait-il pas perdu le monopole du coup de cœur ?

Voici venue une nouvelle occasion de mesurer le poids des techniques sur la métamorphose permanente de la vie démocratique.

- DVSM, 17 mars 2022. Parce qu'un président ne veut pas débattre, le monde politique s'affirme perturbé par une campagne électorale qui semble tronquée de ses moments décisifs. Sans entrer dans les méandres des arguments des uns et des autres, rappeler quelques grandes évolutions n'est pas inutile. Alors que le pays se trouvait dans un grave problème avec l'Algérie, au confluent des années 50 et 60 du siècle dernier, il entrait aussi dans une nouvelle époque où politique et télévision allaient l'une vers l'autre. Avant cette période, point de campagne présidentielle dans le sens où elle se vivait alors à un niveau "hors public". Cela avant que, sous l'effet du conflit algérien, ne revienne au pouvoir Charles de Gaulle. Pas de campagne tout simplement parce que l'élection était disputée via un scrutin indirect, confié à ceux que l'on appelle les "grands électeurs". Et pas davantage de débat parce que, même avec des débuts prometteurs, il n'y avait pas encore que très peu de téléviseurs dans les foyers. D'ailleurs, l'appel du 18 juin 1940, un grand moment pour le pays, s'était produit sur les ondes radiophoniques, véritable grande voie (et voix) médiatique d'alors.

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Mais alors que le référendum sur le vote présidentiel au suffrage universel était approuvé par le peuple, (octobre 1962) le petit écran entamait sa vigoureuse ascension dans le taux d'équipement des ménages, montée qui ne s'arrêterait plus jusqu'au niveau de la saturation ou presque. Pourtant, en ces heures lointaines, la "campagne" (celle de 1965 par exemple) se résumait encore par des prises de paroles. Podiums lors de réunions en public, professions de foi par messages télévisés, oui, mais point de débat, l'idée n'étant pas encore dans l'air. D'ailleurs, l'obligation d'un débat n'était et n'est toujours pas incluse dans les institutions.

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Alors que les dépressions ne mettent au plus que quelques jours pour traverser l'Atlantique, le concept de face à face entre candidats, devenu populaire aux USA dès la campagne soldée par l'élection du Président Kennedy (novembre 1960) n'arrivera dans l'atmosphère de l'Hexagone que bien plus tard. Il faudra attendre 1974 et la confrontation cathodique entre Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand pour que l'idée explose enfin. Puis, les débats se sont enchaînés, les candidats multipliés. Au point que certaines grand messes sont devenues aussi barbantes, d'autres disent "rasoir", qu'inintéressantes. Et peu efficaces. Une petite dizaine de candidats ne prenant chacun son droit à quelques minutes dans une séquence de 2 ou 3 heures, mieux vaut voir, revoir et re-revoir un Columbo... Aujourd'hui, les idées pré-présidentielles ont à nouveau migré. Dans une volonté d'encadrement et d'équité quasi impossible avec des chaînes de TV désormais reçues par dizaines, tandis qu'une autre voie, pas contrôlée et probablement incontrôlable, s'est invitée, celle d'Internet et des réseaux sociaux. Cruelle rencontre entre une période aux relents de cacophonie et d'un électorat de plus en plus déçu, au point que nombreux sont ceux qui ne se rendent même plus jusqu'à l'isoloir. Qu'il soit grand, plat au milieu du salon, ou sur un smartphone dans le creux de la main, cet écran n'y est pas pour grand chose. Les politiques ont peut-être les campagnes, les débats et les abstentions qu'ils méritent... Allez savoir...

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