Pour l'électronique hier, le numérique aujourd'hui, des refrains qui sonnent faux reviennent avec la perspective des élections présidentielles. Savent-ils réellement de quoi parlent certains candidats potentiels, bonimenteurs avant tout...?
- DVSM, 10 septembre 2021. Il y a pile 40 ans, contemplant la mauvaise orientation de la balance du commerce extérieur, notre pays prenait en grippe le Japon et ses magnétoscopes. L'Empire du Soleil levant mettait sans le vouloir en évidence de supposées lacunes importantes de notre pays, dans un véritable effet miroir sans pitié. Soulignant en particulier un point précis.: la France ne produisait pas de ces fameux et envahissants magnétoscopes. Une exception.? Non. Hormis quelques rares et sporadiques tentatives, sans grand succès, pas un pays au monde n'a seulement esquissé le début d'une amorce pertinente de réplique aux industriels nippons. Un constat facile, masquant pourtant des handicaps à la française plus profonds, dont une très mauvaise capacité à exporter, en électronique comme dans de nombreux autres domaines.
Des diagnostics pile à côté. La poussée vertigineuse des magnétoscopes en France fut aussi et même surtout la conséquence de la survivance d'un paysage audiovisuel archaïque, avec très peu de chaînes et de programmes, incitant de nombreux ménages à se doter d'un outil leur permettant enfin d'avoir le soir un peu plus de choses à se mettre sur l'écran. La preuve en est donnée par le succès immédiatement induit des boutiques de location de cassettes (baptisées vidéoclub parce que procédant par abonnements). Plus que des appareils, les ménages voulaient des contenus.! En 2021, alors qu'il y a depuis longtemps une profusion de programmes, on ne vend plus de magnétoscopes.
Vendre avant de produire, pas de charrue avant les bœufs ! Pour ce qui concerne les aptitudes françaises à l'exportation, rappelons qu'elles n'ont pas seulement frappé l'univers de l'électronique. Faut-il évoquer, par exemple, depuis l'immédiat après-guerre, les contre-performances récurrentes de l'industrie automobile nationale.? A la différence de l'industrie allemande, qui a propulsé ses modèles sur tous les continents, dans le haut de gamme, mais aussi avec ses VW coccinelles et Combis (USA, Amérique latine...), la "Régie" Renault a jadis expédié puis fait revenir par bateaux entiers ses 4CV et ses Dauphine, des invendus tenus à l'époque dans une grande discrétion. Les autres constructeurs hexagonaux n'ont pas fait mieux. Ce qui conduit à une constatation. Il faut surtout et avant tout des vendeurs, avant d'avoir des industriels. Il faut aussi des "capitaines d'industrie" qui soient de vrais "pros" des sujets traités, et non des grands commis de l'Etat, dont les stratégies sont seulement orientées vers des fantasmes à vocation politique. Remarquons aujourd'hui encore la mauvaise question systématique qui surgit quand une unité de production s'installe quelque part en France. Immédiatement, il est demandé aux initiateurs combien d'emplois ils vont créer, alors qu'avant cela, il serait plus judicieux de les interroger sur les quantités qui seront vendues, la seule clé du projet. (Quand c'est vendu, la production suit. Quand c'est produit, ce n'est pas encore forcément vendu.)
A toute déflagration, il faut un détonateur. Celui qui vient de propager un séisme à nouveau fort mal vécu est lié à la pandémie. Catastrophe pour les responsables politiques qui, cas quasi unique dans la société moderne, ont un défaut récurrent consistant à ne jamais prévoir l'imprévu. L'entrée dans la lutte contre la pandémie s'est traduite par un cocktail inextricable et pitoyable de pénuries et mauvaises excuses à n'en plus finir. Pourtant, au royaume de ces mêmes responsables politiques, où le ridicule tue moins qu'un Covid mal pris en charge, personne n'hésite à jouer avec des causes mal identifiées comme dans une partie de bonneteau. Si des pénuries de masques et de médicaments ont été mises au grand jour, c'est surtout la conséquence d'une gestion calamiteuse des réserves, et non de l'absence d'une industrie du pôle médicaments et produits sanitaires. L'industrie dans le monde a évolué au fil des décennies, et certaines régions ont consolidé des spécialités devenues quasi universelles. Tout n'est qu'une question de proportions. Comme jadis on fabriquait des couteaux à Thiers, des mouchoirs à Cholet et des montures de lunettes dans le Jura, l'électronique -à commencer par ses composants- se produit en Asie, pour la totalité des pays de la planète. Il est possible que certains de ces remèdes aient suivi des itinéraires régionaux divers. Toutefois, réindustrialiser la France pour lui donner une supposée immunité contre les pénuries médicamenteuses ne garantit nullement que, sans une gestion des risques et des stocks impérativement remaniée, les phases de désorganisation du premier trimestre 2020 ne seraient pas immédiatement reproduites.
L'Elysée en vue, revoici les fables hors sol. Comme cela est devenu une tradition, les notions de "grands projets" ou de créations de "géants" de tel ou tel sujet inondent les tribunes. Un ancien ministre n'y va pas à la petite cuillère dans les énormités, en croyant faire rêver à un géant de la 5G. Qu'on le veuille ou non, tout ce qui est numérique se trouve sous le ciel asiatique. pas un projet ne peut éclore sans qu'il en passe par les fournitures de composants venus de Chine, Taïwan, Corée ou autre, régions du monde qui non seulement produisent, mais détiennent aussi les brevets et, détail qui semble échapper aux profanes, seraient-ils fascinés par un destin Elyséen, disposent aussi en amont d'industries chimiques majeures. Cet élément situé en amont détermine la quasi totalité de la suite des processus. La chimie est aux microprocesseurs, mémoires, écrans et autres composants clés ce que la farine est au pain du boulanger. Quant à la 5G, ce brillant orateur devrait mettre sa montre à gousset à l'heure, pour s'apercevoir qu'elle est déjà, industriellement, dans le présent avancé, donc le début du passé.
Oui, mais la production...? Faute de générer des innovations, peut-être pourrait-on participer à leur fabrication.? Piètre consolation, et petit défi. Outre la capacité à mettre en position compétitive les pôles d'industrialisation (coût du travail et atteinte de volumes compatibles avec les meilleures économies d'échelle), il faudrait (notamment en électronique et numérique) faire preuve d'un aptitude particulièrement prompte aux actualisations vertigineuses qui règnent dans ce domaine. Les smartphones, les APN, les téléviseurs, etc. qui sont produits et vendus aujourd'hui n'ont déjà plus beaucoup de traits communs avec ceux qui occupaient linéaires et moquettes il n'y a que 3 à 5 ans, différences qui ne se limitent pas à l'esthétique. Et bien avant les présidentielles de 2027, tout aura été à nouveau métamorphosé. Faire naître des industries, pourquoi pas, mais probablement dans n'importe quel domaine, sauf le monde high-tech, est peut-être une meilleure stratégie pour un futur serein.
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