
Les smartphones, les smartphones, observons une pause dans le défaitisme, cap sur plus de réalisme…
- DVSM, septembre 2018 - Alors que la Photokina bat son plein à Cologne et que les inquiétudes tournent autour du sujet comme de sombres charognards dans la Vallée de la Mort au-dessus d'un animal blessé, le moment est peut-être venu pour les esprits de se reprendre. Certes, il n'y a aucun doute à propos d'une réalité irréversible. La photo, au sens le plus large, ne vivra plus jamais comme par le passé. Le public a compris que des moyens toujours disponibles (dans la poche) sont là et ne disparaîtront plus pour capturer photos et vidéo, les regarder, les stocker, les partager avec des proches, même si ces derniers sont... loin, voire au bout du monde. Mais ce vaste public que l'on dit grand n'est pas toute la photo. Même si le commun des mortels a jadis accaparé des volumes d'appareils considérables, époque révolue, sa migration vers une technique communicante ne supprime en rien l'autre facette du secteur, celle des professionnels. Et de ceux qui vivent la photo comme des pros ou presque...
Photographe est un métier, comme chef en cuisine, paysagiste, architecte, journaliste, mécanicien... L'outil est une chose, l'utiliser une autre. Pour mille et une finalités, le besoin de bonnes photos va subsister. La photo artistique est une de ses clés de voûte, aux côtés de bien d'autres domaines. À lui seul, l'univers de la publicité pourrait justifier l'intervention d'intervenants sachant réaliser les images exigées par les créateurs (aussi baptisés "créatifs"...). Les arts graphiques, au service de la mode, de l'architecture, de la science, de l'industrie, de la santé, etc. feront toujours appel à des opérateurs ayant l'expérience, le savoir-faire et les outils adéquats. Et inversement. N'oublions pas non plus les besoins de la presse, des théâtres de conflits armés aux événements mondains, du sport aux catastrophes naturelles, où matériel et compétences sont indispensables. Énumération non exhaustive.
Or, les équipements photo les plus perfectionnés ne sont pas des produits de luxe mais, déjà souligné, des outils. Tout comme un simple automobiliste ne ferait pas grand-chose d'une formule 1, tout comme un traitement de texte ne fait pas d'un quidam un nouveau Victor Hugo, un amateur sans connaissance particulière ne peut espérer des résultats merveilleux d'un équipement de pro, qui nécessite une compétence et une pratique... de pro. La prise de vue qualifiée n'a aucun trépas à redouter, et ceux qui développent, fabriquent et vendent le matériel qui lui est destiné pas davantage.
En outre, il serait raisonnable de modérer les nostalgies d'un marché grand public qui ne fut pas si fantastique qu'on le décrit parfois. Là, nous entrons dans ce qui peut nous valoir quelques regards courroucés. Des quantités de petits formats argentiques destinés à des amateurs qui utilisaient au mieux 3 ou 4 films par an n'était qu'un schéma bien modeste, au regard des dimensions lyriques qu'on lui accordait. Restait le segment des amateurs, éclairés à plus ou moins haute dose.
"Restait"...? Non, "reste". La conjugaison à l'imparfait n'est pas de circonstance. Ce segment peut conduire à un excellent courant d'affaires pour les spécialistes et les rayons dont les animateurs ne négligeront aucun élément susceptible d'en dynamiser l'activité. Malheureusement, nous n'y sommes pas, loin s'en faut, comme sur de nombreux autres grands ou moins grands segments de ces loisirs imprégnés de technologie. La photo ne va pas disparaître sous les coups de la smartphonie, mais la qualité et le calibre de sa nouvelle vie ne dépendront que de ce qu'en feront les professionnels en charge de sa diffusion. Mais c'est déjà un autre sujet.

