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De Nevers au Brexit, incontournable nature humaine…

L'édito d'Yves Dupré.

Pardon de commencer par une sensation toute personnelle. Je suis né à Nevers, dans la Nièvre. Depuis la création des 21 régions de notre beau pays (bien avant que celles-ci ne soient partiellement regroupées), ma cité natale se retrouve régulièrement décrite comme étant une ville de... Bourgogne ! Comme la plupart des natifs de la même préfecture, je ne supporte pas cette grossière assimilation, totalement contraire à la réalité. Nevers est en Bourgogne comme Montpellier serait sur la Côte d'Azur, Rouen dans le Nord-Pas-de-Calais, etc.

Pittoresque situation, qui démontre surtout l'incroyable et fort méprisante attitude de l'administration et de ceux qui la dirigent, agents de l'Etat et politiques réunis, décidant de transformations sans tenir le moindre compte de ce que pensent ou ressentent les premiers concernés : les citoyens. Le dernier regroupement vient d'illustrer cette réalité. Certes, la manœuvre peut être fonctionnellement utile, mais elle est d'emblée mal assise. Elle s'est construite sur la base d'un désappointement largement exprimé de populations régionales ne se sentant plus chez elles, ne serait-ce que par les dénominations (souvent tirées par les cheveux) qui tendent à les dissoudre dans des ensembles niant ce que certains (des vieux schnocks sans doute) appellent les "racines". Sur ce plan, n'aurait-il pas été préférable de conserver les dénominations d'origines, (en profitant de l'occasion pour replacer Nevers dans le Nivernais, ou le Centre, ça existe !) et de se contenter de créer des régions, districts, arrondissements de régions, enfin des entités administratives tout simplement numérotées, comme les arrondissements de grandes villes. L'exemple de la capitale est instructif. Les numéros d'arrondissements n'ont pas fait disparaître les quartiers : Ménilmontant, le Marais, le Quartier Latin, Pigalle… Le Nivernais et la Bourgogne pourraient très bien cohabiter dans une région administrative 8 ou 12, et chacun aurait le sentiment de rester dans sa terre.

Où est le Brexit dans cette allusion ? Simple. Cette sortie des Britanniques est avant tout autre regard une manifestation de cette nature humaine qui, c'est comme ça, ne rechigne devant aucune contradiction. D'un côté, les individus éprouvent une envie de se regrouper. Mais de l'autre, quand ils sont réunis, ils ne rêvent que de retrouver leurs spécificités. Les regroupements font naître les autonomismes. Ne pas s'apercevoir que le présent événement européen majeur s'inscrit dans une tendance que l'on retrouve au niveau des régions est certainement une erreur dont on paiera le prix tôt ou tard. La Catalogne, la Corse, le Pays Basque, la Wallonie, il y a quelques années la Bretagne, et de l'autre côté du channel, l'Ecosse, sont des démonstrations de cette volonté des peuples à pouvoir, dans une mesure non négligeable, choisir eux-mêmes leur destin. C'est aussi le signe que, quitte à commettre des erreurs, nombreux sont ceux qui ne veulent pas être noyés dans des ensembles abstraits, et souhaitent pouvoir vivre en fonction de leur différences. Il faut d'ailleurs remarquer que les USA, modèle fédéral que quelques-uns souhaitent pour l'Europe, et que beaucoup d'autres ne veulent surtout pas voir arriver, ne fonctionne que parce que les Etats ont conservés de larges latitudes. Leurs réglementations ou leurs fiscalités sont loin d'être uniformes.

Comme le disait Voltaire, "le mensonge naît des vérités dont on abuse". Qu'il y ait des inconvénients (éventuellement coûteux) à cette sortie de UE de notre voisin d'outre-Manche est incontestable, sans que personne ne puisse pour l'heure les évaluer, d'autant que rien, pour le moment, ne permet de dire comment la manœuvre va se dérouler au fil des mois et des années. Rien n'étant totalement noir ou blanc, il est probable aussi que quelques avantages naîtront de la nouvelle situation. Les opposants au Brexit ont cependant tellement poussé la perspective catastrophique qu'ils en ont perdu leur crédibilité. Avec un peu de chance, cet événement pourrait fort bien constituer la base d'une vision européenne différente, sachant concilier les avantages d'une union faisant la force et le respect des aspirations locales. A condition que les vieilles habitudes des acteurs politiques soient remisées au musée des mauvaises antiquités.

Tag(s) : #- Edito par Yves Dupré
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